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Discours de politique générale de Gabriel Attal : le premier ministre dans la bataille des élections européennes

Une déclaration de politique générale sert d’abord à affirmer un style. Celui de Gabriel Attal est à l’image de son âge : offensif, rythmé, tranché. Mardi 30 janvier, en proclamant fièrement « je suis né en 1989 » dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, le successeur d’Elisabeth Borne ne s’est pas laissé démonter. Il a résisté aux lazzis des oppositions sans pour autant éviter quelques longueurs. Les mots choisis « déverrouiller, désmicardiser débureaucratiser » autant que les « chocs » promis étaient faits pour tenter de rallumer la flamme d’un quinquennat crépusculaire.
Le style Attal, c’est aussi une bonne dose de pragmatisme : privé de majorité absolue au Parlement, le premier ministre s’est bien gardé de demander un vote de confiance. Il n’a pas non plus choisi d’associer son nom à une grande loi, sachant que celles qui ont focalisé l’attention depuis 2022, retraite et immigration, n’ont pas laissé de bons souvenirs.
Gabriel Attal a en revanche parsemé son discours d’annonces concrètes qui se veulent en phase avec les attentes de l’opinion, sur le logement et la santé notamment. Le tout, accompagné de la promesse d’une mise en œuvre rapide par le contournement des normes et la réactivation du principe des droits et des devoirs.
Pour le reste, pas la moindre prise de distance avec le président de la République, qui a ouvert au début du mois de janvier une nouvelle étape de son quinquennat. Pas plus qu’Emmanuel Macron, Gabriel Attal ne revendique de tournant. Au contraire, le premier ministre a pris soin de vanter la continuité de l’action menée depuis 2017 et rendu un hommage appuyé à ses trois prédécesseurs.
La nouvelle orientation qu’il est chargé d’incarner n’en est pas moins marquée : ode au travail, à la souveraineté, à l’autorité ; défense proclamée des classes moyennes auxquelles il est promis 2 milliards de baisses d’impôt en 2025 ; convocation de « la fierté d’être français ». Il s’agit de tenter de contenir la poussée lepéniste en s’emparant des thèmes qui font monter le RN. Le pari est que l’action entreprise d’ici à 2027 sera suffisamment convaincante pour insuffler un « espoir tranquille » chez ceux qui doutent et contestent.
Il est d’autant plus risqué que les marges de manœuvre budgétaires sont de plus en plus réduites. Le résultat des élections européennes de juin servira de premier test mais, d’ores et déjà, la crise agricole, qui n’est toujours pas circonscrite et fait figure d’épreuve du feu pour le nouveau premier ministre, montre l’ampleur du défi.
En attendant, la coupure est actée avec la gauche, comme si la loi sur l’immigration avait instauré un fossé infranchissable. Même aux plus modérés Gabriel Attal n’a pas cherché à tendre la main, préférant enfermer les différentes composantes de la Nupes dans le camp du « plus d’impôts et de taxes » ou de « l’écologie contre le peuple ».
En retour, toute la gauche est tombée d’accord pour dénoncer la dérive « libérale et autoritaire » d’un quinquennat qui cible de plus en plus les pauvres, les bénéficiaires de la solidarité nationale et les immigrés. Parmi les nouvelles mesures annoncées figurent la suppression de l’allocation spécifique de solidarité (ASS) pour les chômeurs en fin de droits ou encore la prise en compte du logement pour les classes moyennes dans le barème de 25 % de logement social. La bataille électorale qui vient de commencer ne se résumera pas à un choc entre le macronisme et le lepénisme. Elle sera tripartite, à l’image du paysage politique actuel.
Le Monde

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